Entre Terre et Mer : la mangrove, un écosystème au coeur de nos vies.

Publié le par Gwada Botanica 971

Entre Terre et Mer : la mangrove, un écosystème au coeur de nos vies.

Cette trace se situe sur la commune de Morne-à-l’eau, en Grande-Terre. Elle est sur la rive Est du Grand-Cul-de-Sac-Marin, à l’interface de nombreux écosystèmes.

Cette sortie s’est déroulée dans le cadre des Journées Mondiales des Zones Humides (JMZH) qui se déroulaient durant le mois de février. Ce site a donc été choisi pour les différentes zones humides qu’il comporte, dont la mangrove.

La particularité de cette sortie était le choix d’une approche écologique et écosystémique du site, plutôt que purement botanique. Heureusement Alain et Lilian étaient tout de même bien présents pour aider à l’identification de nombreuses essences.

 

La mangrove est un écosystème dynamique rencontré sur les littoraux tropicaux. Il est caractérisé par la présence d’espèces fondatrices : les palétuviers. Ce sont des arbres adaptés à :

- un milieu humide, c’est à dire “inondé” au moins une partie de l’année. Cela induit notamment que le milieu est anoxique, c’est à dire très pauvre en dioxygène.

- un milieu salé.

- un sol instable.

 

Les trois éléments cités précédemment (humidité, sel et instabilité du sol) forment un stress créant une pression de sélection forte. En d’autres termes, cela signifie que peu d’espèces sont capables de s’y développer. Dans les mangroves, les seules essences végétales capables de s'accommoder à ces conditions sont les palétuviers. On dit qu’elles sont halophytes.

 

En Guadeloupe, nous retrouvons 5 espèces de palétuviers, 4 communes et une dernière plus rare. Sur le site de Babin, nous avons la chance d’avoir ces 5 essences présentes.

- Le palétuvier rouge, Rhizophora mangle. Il est caractérisé par : 

Des racines échasses lui permettant de se fixer sur des sol vaseux ou sur des zones avec du courant (typiquement le front de mer : zone frangeante). 

Racines filtrant le sel 

Stockage de l’excès de sel dans les feuilles (feuilles jaunes sursalées) 

Propagules : la graine va germer encore sur l’arbre augmentant la chance de survie une fois tombée

 

- Le palétuvier noir, Avicennia germinans. Il est caractérisé par 

Un système racinaire peu profond qui s’étale où sortent hors du sol des pneumatophores : racines aériennes  munis de lenticelles pour récupérer l’oxygène 

Des racines où se produit l’utlrafiltration : 90 % du sel est exclu

Des feuilles excrétant des cristaux de sel sur leur face externe.

 

- Le palétuvier blanc, Laguncularia racemosa, caractérisé par : 

Un système racinaire peu profond qui s’étale où sortent hors du sol des pneumatophores : racines aériennes  munis de lenticelles pour récupérer l’oxygène 

Il possède aussi des pneumatophores aplatis, moins nombreux mais plus épais que le palétuvier noir. 

Deux petites glandes sécrétrices de sel sont situées sur leur stipules.

Ses feuilles sont arrondies 

 

- Le palétuvier gris, Conocarpus erectus. Il est caractérisé par ses feuilles pointues et ses fruits en formes de petites pommes de pins. Il n’a pas de pneumatophores.

 

Du rouge au gris, les palétuvier tolèrent une humidité de moins en moins importante mais une salinité de plus en plus importante. 

- Enfin le palétuvier “violet” comme nous l'avons baptisé lors de la sortie, Avicennia schaueriana. Nos voisins de la Dominique sont plus rigoureux et le nomme "round-laeved black mangrove" ce qui signifie "palétuvier noir aux feuilles arrondies". En effet, ses feuilles sont arrondies comme le palétuvier blanc mais elles n’ont pas de glandes sécrétrices de sel sur leur stipule et ses fleurs sont quasiment identiques à celles du palétuvier noir. Enfin il possède également quelques pneumatophores.


 

Feuilles des 5 espèces de palétuviers  (de gauche à droite : noir, blanc, violet, gris, rouge)

Feuilles des 5 espèces de palétuviers (de gauche à droite : noir, blanc, violet, gris, rouge)

Biodiversité

 

Au niveau de la diversité végétale, les mangroves sont des écosystèmes très pauvres. En effet les palétuviers sont les seules espèces à s’y développer, soit seulement 5 espèces en Guadeloupe. Bien qu’on les retrouve en association, elles sont le plus souvent seules et forment donc des environnements quasi mono-spécifiques. Quelques épiphytes comme l’ananas bois (Tillandsia utriculata) croissent sur leur écorce, ou des espèces associées comme la fougère dorée peuvent être aussi retrouvées dans les mangroves. Toutefois cela reste malgré tout très pauvre pour un écosystème tropical. Comme expliqué dans la première partie, ceci est dû au fait que la pression de sélection exercée par l’eau et le sel est très forte.

 

En revanche, d’un point de vue animal, la diversité est impressionnante. De nombreuses espèces d’oiseaux nichent ou chassent dans la mangrove. De nombreux insectes y vivent, tout comme les petits reptiles tel les Anolis qui les prédatent. On retrouve aussi plusieurs espèces de crabes (crabes de palétuvier sur les racines, touloulous, crabes violoniste ou “c ma faute”). Dans l’eau les huîtres de palétuviers se développent sur les racines, tout comme les barnacles, les éponges et même des anémones ou des coraux. Bien à l’abri dans l'enchevêtrement des échasses des palétuviers rouges, les juvéniles de nombreuses espèces de poissons trouvent refuge. Enfin, on retrouve toute une micro-faune (nématodes, petits crustacés, protozoaires en tout genre, etc…).

A noter que les mangroves caribéennes sont les plus bio-diverses du monde en terme d’invertébrés.


 

Services écosystémiques (liste non exhaustive)

 

Bien être : Les écosystèmes naturels nous procurent un bien être et c’est déjà une raison bien suffisante pour les préserver.

Economie : les mangroves participent au développement économique de nos sociétés au travers de la pêche et du tourisme principalement.

Stock de Carbone : les mangroves sont des écosystèmes très productifs, cela signifie qu’ils convertissent beaucoup de CO2 de l’air en matière organique. En stockant ensuite cette matière dans le sol, elles aident à limiter le changement climatique.

Protection côtière : les mangroves sont des remparts naturels jouant un rôle très important lors d’évènements climatiques extrêmes tel que les cyclones.
Rôle “d’éponge” : lors forte pluie ou de submersions marines, les mangroves peuvent absorber de grande quantités d'eau, limitant ainsi les inondations.

Autres : rôle “anti-bruit” pour la route et l’aéroport, rôle de dépollution de l’eau provenant des terres, rôle d’alcalinisation (inverse d’acidification) de l’eau de mer, etc… De plus, les mangroves sont capables d’avancer sur la mer et ainsi agrandir les surfaces terrestres littorales.

 

Connexions aux autres écosystèmes

 

A l'interface en la terre et la mer, les mangroves sont intimement liées aux écosystèmes adjacents de ces deux milieux.

D'un côté on retrouve la végétation littorale, les prairies humides, les ripisylves et la forêt marécageuse.

De l'autre les herbiers marins (qui ne sont pas des algues mais des plantes à fleurs) et les récifs coralliens (dont les coraux sont des animaux et non des plantes).

Ensembles, tous ces écosystèmes assurent une diversité de rôles tant bénéfique à la biodiversité qu'a nos sociétés.

 

 

Forêt marécageuse de Babin (on observe les contreforts des mangles médailles (Pterocarpus officinalis), l'arbre dominant de ces forêt typiques de la Caraïbe.

Forêt marécageuse de Babin (on observe les contreforts des mangles médailles (Pterocarpus officinalis), l'arbre dominant de ces forêt typiques de la Caraïbe.

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